Une étude du comportement humain par la RV

L'utilisation de l'eye tracking dans la réalité virtuelle pour la formation et le développement ou pour l'étude du comportement humain et des processus décisionnels est très efficace car l'attention visuelle est fortement corrélée à la cognition et à la performance. L'étude présentée ci-dessous par le Dr Tim Holmes explore la manière dont les comportements observés dans les environnements de réalité virtuelle reflètent ceux du monde réel. Cela valide l'utilisation de la RV comme outil d'aide à la formation et au développement professionnels, et élargit les possibilités de recherche en matière de conception de produits, d'orientation, de sécurité et bien d'autres choses encore.

Quand l'art imite la vie

Depuis 14 ans, j'étudie comment utiliser au mieux des technologies telles que l'eye tracking pour comprendre et prédire les réactions des gens à l'art et au design. Il s'agit d'un domaine de recherche difficile car les réponses comportementales que nous capturons avec un Eye Tracker ou Oculomètres sont affectées par le contexte dans lequel nous les observons.

Nous avons vu, par exemple, que les schémas de visualisation des œuvres d'art de grande taille sont très différents selon qu'elles sont regardées sur un petit écran ou sur un écran de grande taille, et que des facteurs environnementaux tels que l'éclairage, la proximité d'autres œuvres d'art, voire la présence ou non d'un titre, peuvent tous modifier la manière dont l'œuvre d'art est regardée. La réalité virtuelle offre une occasion unique de mener des recherches dans ce domaine, car elle permet de recueillir des données sur les mouvements oculaires pendant que les participants regardent des œuvres à l'échelle à partir d'une position confortable dans un environnement contrôlé.

Bien sûr, la RV peut faire plus que simplement imiter les environnements du monde réel, elle peut aussi faciliter la recherche dans des scénarios du monde réel sans dépendre de la présence ou de l'existence d'un environnement physique - ce qui permet de tester des alternatives de conception dans leur contexte, de recréer des œuvres qui n'existent plus depuis longtemps et même de présenter des environnements complètement originaux et parfois fantaisistes - comme c'est le cas dans un projet en cours à Royal Holloway, Université de Londres, dirigé par mon ancien directeur de thèse, le professeur Johannes Zanker.

Vous connaissez probablement déjà l'artiste Piet Mondrian , surtout connu pour ses œuvres abstraites composées de lignes horizontales et verticales formant des rectangles remplis de blanc, de gris, de noir, de rouge, de jaune et de bleu.

Cependant, vous connaissez peut-être moins sa seule et unique incursion dans l'architecture tridimensionnelle, et ce pour une bonne raison : le projet qu'il a créé pour Ida Bienart pour une pièce entière dans ce même style n'a en fait jamais été réalisé de son vivant. Les raisons en sont discutées, mais elles pourraient inclure le fait que les lignes orthogonales ne semblent plus former des rectangles lorsqu'elles sont vues dans une perspective tridimensionnelle. Ce n'est évidemment pas le cas une fois immergé dans un tel environnement, où la perspective n'est plus forcée et change avec le mouvement.

Avec quelle efficacité la RV sollicite-t-elle des comportements qui seraient présents dans le monde réel ?

Quelques musées ont tenté de réaliser le projet de Mondrian après sa mort, mais ces tentatives n'ont eu qu'un succès limité. En effet, la création d'un modèle 3D basé sur ses plans originaux nécessite de prendre des décisions difficiles - Mondrian n'étant pas architecte, ses murs ne se rejoignent pas !

Plus surprenant encore, si la taille relative et la couleur de chaque rectangle sont clairement indiquées dans les plans, la teinte précise de la "peinture" rouge, jaune et bleue ne l'est pas, et comme le savent tous les designers, la couleur est VRAIMENT importante. C'était certainement le cas pour Mondrian, qui estimait que ses créations utilisaient la couleur et la forme pour créer une "harmonie universelle".

C'est ici que la recherche en RV prend tout son sens, car le modèle 3D Unity a été développé et testé de manière itérative afin de créer un design final qui soit à la fois naturel lorsqu'on le regarde "de l'intérieur" et fidèle à l'esthétique de Mondrian.

Apprentissages virtuels pour une application dans le monde réel

La recherche a confirmé plusieurs résultats attendus, tels que

• Les taches rouges dans la pièce reçoivent plus d'attention que les autres couleurs, ce qui confirme l'utilisation du rouge pour les messages et la signalisation à fort impact et à forte visibilité.

• Les participants regardent rarement le plafond, et même s'ils le font, ils ne le font pas longtemps. En général, regarder vers le haut n'est pas confortable pour les humains et de tels résultats soulignent l'importance de l'emplacement et l'avantage d'une présentation au niveau des yeux pour attirer l'attention.

• La pièce contient des meubles solides en 3D qui se projettent dans la pièce et qui attirent davantage l'attention que les murs plats ou la "vue" à travers les fenêtres ouvertes de la pièce. Les objets en 3D créent un intérêt visuel dans un environnement qui, autrement, se résumerait à des murs plats. En dépassant des murs, ils influencent également le mouvement dans l'espace, ce qui est une méthode bien connue pour attirer l'attention.

De tels résultats confirment des aspects du comportement observés dans des environnements plus naturels tels que les supermarchés, par exemple, et soulignent le potentiel de recherche croisée dans les secteurs de l'art et de la vente au détail.

D'autres données collectées dans cet environnement ont confirmé certains comportements de mouvements oculaires bien connus en dehors de la RV, comme une réduction des fixations lors d'une tâche de recherche ciblée telle que le comptage des carrés colorés, et une augmentation de la durée des fixations lorsque les participants sont autorisés à "regarder librement" dans la salle Mondrian. Ces résultats soutiennent fortement l'utilisation de la RV pour étudier le comportement naturaliste, puisque des résultats similaires issus de la recherche dans le monde réel peuvent être observés dans la RV.

En comparant la construction physique de la salle Mondrian à Dresde avec la version de la RV, nous avons observé un résultat important pour tous ceux qui cherchent à utiliser la RV comme un substitut du monde réel. La durée globale de visionnage, la durée de fixation et le nombre de fixations étaient tous légèrement plus élevés dans la RV que dans le monde réel, et c'est un point que nous devons approfondir pour bien le comprendre. Il pourrait s'agir d'un artefact de la RV elle-même, puisqu'il s'agit encore d'une nouvelle technologie pour la plupart des participants et qu'ils ont donc tendance à regarder autour d'eux avec étonnement ! Pour les chercheurs, cela souligne la nécessité de familiariser les participants avec la RV afin de permettre au facteur d'émerveillement de s'estomper avant de commencer la collecte de données.

Ce que cela signifie pour la recherche en RV

La flexibilité de la RV est l'un de ses plus grands avantages, car nous pouvons facilement changer des éléments tout en gardant le reste constant. De plus, les données comportementales confirment la valeur de l'Eye tracking dans tout environnement VR où l'impact comportemental de la conception est intéressant, qu'il s'agisse d'architecture, d'éducation ou de vente au détail.

Plus important encore, les résultats décrits ici confirment que les mouvements oculaires enregistrés dans la RV sont aussi instructifs que ceux que nous enregistrons et analysons depuis des années à l'aide d'Eye trackers sous écran ou, plus récemment, sous forme de trackers sous écran sous forme d'oculomètres. C'est important car cela ouvre la voie à des applications de RV qui utilisent les données du regard pour en savoir plus sur l'observateur et adapter l'expérience de RV à lui.

La RV est encore une méthodologie relativement nouvelle pour la recherche utilisant l'eye tracking, mais des résultats comme ceux rapportés ici montrent que c'est un bon substitut pour la recherche dans le monde réel ou les environnements de formation puisque les comportements affichés sont si similaires. Pour ceux qui cherchent à profiter de l'évolutivité, du coût et du gain de temps que la RV peut offrir, les résultats de ces études devraient les inciter à se lancer et à examiner de plus près l'eye tracking dans le cadre de la RV.

Informations connexes

• Projet de RV de la salle Mondrian